Publié le : 12/03/2018
Chaque année, de nouveaux porteurs de projets se lancent dans cette grande aventure que représente la création d’une structure d’accueil. Leurs motivations sont souvent nombreuses et la bonne volonté au rendez-vous. Mais les idéaux se confrontent alors à la réalité, pas toujours indulgente. Quels sont les principaux défis à relever lorsqu’on est nouveau sur le marché ?
Inspirer la confiance
Pour créer une crèche, la première étape est de donner envie à d’autres acteurs de vous suivre. Une première expérience dans le milieu de la Petite Enfance peut donner un vrai coup de pouce. Ingénieur de formation, Romain Gallon s’est reconverti dans la petite enfance en intégrant un important réseau de crèches, au sein duquel il a monté une vingtaine de structures. Animé par l’envie de s’investir encore plus auprès des familles, il décide de créer ses propres lieux d’accueil pour tout-petits — six crèches « Tillou » ont ainsi vu le jour en région parisienne. Il en est conscient, sans ces premières années dans le milieu de la petite enfance, les choses ne seraient pas allées aussi vite.
« Au début, on n’est rien pour les autres, en tant que société et en tant que personne. » La mairie d’Emerainville, où sa première crèche a ouvert, a rapidement accepté de l’accompagner car une relation de confiance s’était déjà établie entre eux auparavant. « C’est un engagement fort de la part d’une mairie pour qui les enjeux sont nombreux : le bien-être des familles, la qualité d’accueil des enfants… », souligne l’entrepreneur.
L’épreuve est d’autant plus difficile quand on entre pour la première fois dans le monde des gestionnaires de crèche : il faut alors se constituer tout un réseau professionnel. Hélène Munoz a quitté la comptabilité pour exercer en halte-garderie, avant d’ouvrir sa propre crèche associative à Colombes. Pendant la réflexion de son projet entrepreneurial, la jeune femme n’a pas hésité à rencontrer de nombreux professionnels de la petite enfance : directrices, psychomotriciennes, formatrices, conférencières… Une fois le projet lancé, elle l’a présenté au Salon Petite Enfance de la ville, auprès des familles. Prochaine étape, trouver des partenaires de confiance.
« En tant que gestionnaires de crèche indépendants, nous avons besoin d’être soutenus dans un cercle vertueux d’accompagnement », précise-t-elle.
Gérer les démarches administratives
Pour créer une crèche, il ne faut pas avoir ce qu’on appelle aujourd’hui la « phobie administrative » car il y a plusieurs gros dossiers à monter pour la Caf et la PMI. Entre la comptabilité, le juridique, la fiscalité, la communication, il s’agit d’être un entrepreneur très polyvalent. Il faut aussi se préparer à ce que tout ne se déroule pas selon un timing défini. En effet, les délais annoncés ne sont pas toujours tenus. Une réalité qui pose problème quand l’attente de la validation d’une étape met en suspens la progression de toutes les autres.
Et, surtout, ce long processus demande de pouvoir assurer la partie financière — sachant que les banques ne sont pas toujours faciles à convaincre sur des projets de création de lieux d’accueil.
« Il faut se montrer crédible, autant humainement que financièrement. Et cela demande généralement de s’engager sur son patrimoine personnel », rappelle Romain Gallon.
Pendant les mois qui précèdent l’ouverture de la crèche, il n’y a pas d’argent qui rentre et il faut pouvoir rémunérer les professionnels déjà engagés. A ce moment-là, quelques clés sont essentielles : « Il faut savoir anticiper bien sûr, mais aussi rester organisé et prioriser les sujets, explique Hélène Munoz. Tout ne doit pas intervenir au même moment ! »
Faire preuve d’endurance
Créer une crèche est un donc un véritable défi qui demande beaucoup d’énergie et de courage. Tous les gestionnaires l’affirment : c’est un énorme investissement personnel ! Au niveau mental, physique, familial…
Hélène Munoz le compare à un défi sportif. « C’est un sport collectif puisqu’on avance avec les proches et les partenaires qui nous aident, nous donnent des idées et nous apportent du réconfort. Mais c’est aussi un sport individuel car même si on est bien entouré, la prise de décision est personnelle — à un moment donné, c’est à nous de trancher ! »
Le mot qui revient dans la bouche des porteurs de projets, c’est l’endurance : tenir le coup, maintenir le rythme du projet tout en sachant patienter. « C’est un investissement professionnel, humain et affectif, dans lequel on met notre esprit, notre cœur et nos tripes, » renchérit Romain Gallon.
Il est important de se prévoir aussi des périodes de repos, car entre le moment où le local est trouvé et l’ouverture de la crèche, il se passe au moins an. Sans compter tout le travail effectué en amont. Après viendront des défis d’autres sortes : trouver la directrice, constituer une équipe soudée, mettre en œuvre une pédagogie cohérente, s’assurer de bien accueillir les parents…
Face à la mission « d’intérêt public » que représente l’accueil des familles, ces structures indépendantes, portées à bout de bras par des particuliers, mériteraient parfois d’être davantage soutenues par les collectivités. Celles-ci peuvent en effet voir en ces initiatives une offre complémentaire aux crèches municipales, renforçant l’attractivité des villes, la qualité de vie des habitants et incarnant généralement un dynamisme engagé au sein des villes.
La création d’une crèche est une aventure riche, enrichissante, stimulante et pleine d’embûches.
Rédaction : Marie Desplumes