Publié le : 28/02/2022
L'actualité peut être source d'angoisse pour nos enfants, une crainte difficile à apaiser notamment lorsqu'il s'agit d'expliquer simplement des conflits internationaux, qui nous inquiètent nous-mêmes. À partir de quel âge parler de la guerre à un enfant ? Quels mots utiliser ? Conseils de psys.
Le jeudi 24 février, la Russie a envahi l'Ukraine, suscitant notamment de nombreuses discussions dans les familles, les colonnes des médias et les cours d'école. Face à ce conflit au sein même de l'Europe, nos enfants peuvent exprimer des inquiétudes et de la tristesse, délicates à apaiser tandis que nous sommes nous-mêmes, parents, dans l'incertitude. Pédopsychiatres et psychologues recommandent dans ce cas de prendre soin d'accorder un espace à l'enfant pour exprimer ses peurs et de lui répondre avec calme, en se basant uniquement sur les faits.
À partir de quel âge peut-on parler de la guerre avec des enfants ?
Il n'y a pas d'âge à partir duquel on peut commencer à mentionner l'existence de la guerre à un enfant et la priorité est d'être à son écoute afin de détecter s'il a entendu parler d'un conflit mondial et s'il a besoin de poser des questions. Néanmoins, en moyenne, c'est à partir de l'école primaire que les actualités internationales s'immiscent dans les cours de récréation, les enfants y étant tout de même moins exposés à la maternelle.
Plutôt que d'interroger directement notre enfant, mieux vaut d'abord essayer d'évaluer son niveau de connaissances sur la guerre, selon Christine Barois, pédopsychiatre en cabinet libéral à Paris et spécialiste de la gestion de l'anxiété : « Face à la peur, certains enfants se renferment et n'osent pas poser de questions, il peut alors être bienvenu de lancer la discussion. En revanche, il faut éviter de le faire d'une manière frontale, afin de ne pas susciter une inquiétude qui n'était pas présente ». C'est donc après avoir demandé à notre enfant si quelque chose le tracasse ou l'inquiète en ce moment, ou s'il veut nous parler des différents sujets abordés à l'école par exemple, qu'on pourra lui proposer de lui expliquer le conflit en cours.
Choisir le médium explicatif approprié à son âge
Attention à ne pas nécessairement se tourner vers des images pour informer notre enfant de ce qu'il se passe dans le pays en guerre. Il existe des médias spécialisés, destinés aux plus petits, qui peuvent nous aider à conformer notre explication à l'âge de notre enfant et apporter un support visuel adapté. Si tout dépend de la maturité de notre fille ou notre fils, Marion Haza, psychologue clinicienne à Bordeaux et présidente de l'Observatoire de la parentalité et de l'éducation numérique, préconise d'attendre la fin de la primaire avant d'exposer un enfant aux informations télévisées, que ce soit des JT ou des chaînes en continu. « Demandons-nous toujours quel est l'intérêt de l'enfant à voir cette image. S'il n'y en a pas, que ça ne peut que lui faire peur, on l'en protège », insiste-t-elle.
Quels sont les mots à bannir quand on parle de conflits aux enfants ?
Il n'y a pas réellement de mots à proscrire quand on parle de la guerre à un enfant mais il faut prendre soin de choisir des termes adaptés, un vocabulaire simple, sans jamais donner de détails sordides. Encore une fois, on ajuste notre discours à l'âge de notre petit. Si le mot guerre ne signifie rien pour lui, on essaie de se rapprocher de ce qu'il connaît mieux. « On peut lui dire que c'est comme quand il se dispute et se bagarre avec ses frères et soeurs ou ses camarades, que ce sont deux pays qui sont fâchés, qui ne sont pas d'accord... Ça nous permettra aussi de lui rappeler que les disputes ne durent pas pour toujours et que des personnes interviennent pour calmer les tensions. On peut lui dire que là aussi, des gens s'emploient à trouver une solution, même si ça prend du temps », développe Marion Haza.
Christine Barois signale que « la différence entre la peur et l'anxiété est que la peur se dirige contre un objet alors que l'anxiété est sans objet ». Notre rôle est par conséquent d'aider notre enfant à rationaliser sa crainte en lui expliquant le plus simplement possible ce qu'il se passe et en restant dans le factuel. On s'abstient avec un enfant de partir dans l'interprétation des faits ou d'imaginer ce qui pourrait advenir, afin de ne pas accentuer son angoisse. Si notre enfant est un peu plus grand, ce peut être l'occasion de lui apprendre petit à petit à vérifier ses sources et à reconnaître les fausses informations.
Écouter les craintes de nos enfants face aux conflits internationaux
Que le sujet ait été abordé par les parents ou par l'enfant, le plus important est ensuite de lui offrir un espace pour exprimer ses potentielles craintes au regard de cette actualité cruelle.
Christine Barois déconseille vivement de minimiser le conflit ou de prétendre que tout va bien : « Il faut valider l'émotion exprimée par l'enfant, que ce soit de la peur, de la colère ou de la tristesse, et lui assurer que c'est humain, que c'est tout à fait normal de la ressentir ». La pédopsychiatre encourage les parents à exposer leurs propres émotions et à être honnêtes quant à leurs inquiétudes présentes et futures. Il peut également être pertinent d'avouer qu'on ne sait pas tout, qu'on n'a pas tous les tenants et aboutissants de cette guerre, mais que des personnes les ont et font en sorte que le conflit se termine le plus vite possible.
La difficulté est de trouver un équilibre entre exprimer nos émotions et ne pas provoquer une panique supplémentaire chez notre enfant. « Il ne faut pas faire comme s'il ne se passait rien, comme si c'était normal qu'il y ait des guerres ou qu'on entende parler de la guerre... Mais il ne faut pas donner non plus la sensation à notre enfant que c'est la fin du monde », expose Marie Danet, psychologue clinicienne et maîtresse de conférences à l'université de Lille.
Trouver le juste milieu peut s'avérer délicat. Si un parent ne se sent pas forcément en mesure de le faire, il ne doit pas hésiter à passer la main à l'autre parent, ou à tout autre adulte de confiance, grand-parent, oncle ou tante, voire instituteur ou institutrice.
Anxiété, préoccupation, empathie... Comment rassurer nos enfants ?
Une fois l'émotion ressentie par notre enfant exprimée, encore faut-il réussir à le soulager. « Dans un premier temps, il est important de bien expliquer que la guerre est un élément redondant et constitutif de l'histoire de l'humanité », indique Marie Danet. Sans normaliser les conflits, « on peut aussi leur montrer qu'ils ont déjà traversé des moments d'inquiétude similaires, que ce soit lors d'attentats ou même au cours de la pandémie de la Covid-19 », ajoute Christine Barois.
On s'efforce en outre de comprendre le fond de l'inquiétude de notre fille ou de notre fils. Est-ce qu'il craint qu'on parte faire la guerre ? Que notre logement s'écroule sur nous ? En fonction de ce qu'il a entendu ou vu, ses peurs sont diverses et il faut l'amener à les verbaliser pour pouvoir le rassurer.
Si notre enfant nous dit craindre directement pour sa vie, on s'emploie de prime abord à mettre le conflit à distance. On peut notamment lui montrer sur une carte où sont les pays concernés pour qu'il visualise que ce n'est pas juste à côté de lui, et on n'hésite pas à répéter des phrases rassurantes, tout le temps qu'on sent notre enfant inquiet.
Enfin, il est primordial de conclure en donnant des perspectives à notre enfant. « On souligne que même si ce sont des événements graves et négatifs, on peut y trouver du positif, comme le prouvent les actes de solidarité qu'on voit depuis le début de l'invasion de l'Ukraine », encourage Marie Danet. Si on en a la possibilité, on peut par exemple lui proposer de venir avec nous en aide aux victimes, en apportant des vivres et des produits de première nécessité à des associations.
Savoir se tourner vers des personnes mieux qualifiées
Christine Barois recommande par ailleurs d'inculquer des réflexes rassurants à nos enfants pour leur apprendre à gérer leur stress, comme le fait de compter ses inspirations et expirations sur ses doigts, le temps de parvenir à se calmer. Des petites techniques autant efficaces pour les enfants que pour les parents, qu'on peut expérimenter en famille. En revanche, si jamais on constate que notre enfant développe des troubles du sommeil ou de l'alimentation et qu'il finit par nous indiquer qu'il a vu ou entendu des choses traumatisantes, on en parle longuement avec lui et on demande l'appui de notre pédiatre et/ou d'un ou une psychologue.
Rédaction : L'équipe Les Parents Zens